D'aprиs la thйorie de la connaissance de V.I. Lйnine, - le mot et la notion prйsentent une unitй dialectique.
V.I. Lйnine dit que tout mot gйnйralise.
Examinons ce processus.
Dans quel rapport se trouvent le mot et la notion? Dans quel rapport se trouvent la notion et l'objet de la rйalitй?
Dans ses «Cahiers philosophiques» V.I. Lйnine rйpond а ces questions. Lйnine distingue deux degrйs de la connaissance.
Lepremier degrй consiste dans la sensation, dans la formation de perceptions et de reprйsentations а partir de la sensation. La sensation est le lien immйdiat entre la rйalitй, le monde extйrieur, et la conscience. La sensation sert de base а la perception et la reprйsentation. Le processus de perception s'effectue quand on perзoit directement un* objet par les sens. La perception, c'est l'ensemble des sensations produites par un objet. On peut se reprйsenter un objet sans, e percevoir directement, а l'aide de la mйmoire ou de l' magination. Alors on est en prйsence du processus de la reprйsentation. La reprйsentation, c'est l'image mentale de l'objet qui n'est pas perзu directement par ies sens. Ainsi, l'homme entre en contact avec la rйalitй par les sensations, les perceptions et les reprйsentations. Mais ce n'est que le commencement du processus de la connaissance.
Le deuxiиme degrй de la connaissance, c'est la gйnйralisation des phйnomиnes isolйs, la formation des notions (ou concepts) et des jugements.
Par la gйnйralisation thйorique, abstraite des perceptions et des reprйsentations, on forme des notions, des concepts. La notion, le concept fait ressortir les propriйtйs essentielles des objets, des phйnomиnes de la rйalitй sans en fixer les propriйtйs accidentelles.
Si nous regardons une riviиre nous la percevons; si nous nous souvenons plus tard de cette mкme riviиre, nous nous la reprйsentons. L'image concrиte de cette riviиre est, dans le premier cas, une perception, dans le deuxiиme - une' reprйsentation. En faisant ressortir les propriйtйs essentielles des riviиres en gйnйral, c'est-а-dire le courant de l'eau, avec ses deux rives naturelles (а l'opposй d'un canal), etc., nous formons une notion. La notion, le concept ce n'est plus une image mentale concrиte, c'est une abstraction, une gйnйralisation thйorique. Le mot riviиre s'unit а la notion « riviиre »; il sert а nommer non pas une riviиre dйterminйe, mais n'importe quelle riviиre, la « riviиre » en gйnйral, autrement dit, ce mot exprime la notion de « riviиre » gйnйralisйe, abstraite. Le mot gйnйralise principalement grвce а sa facultй d'exprimer des notions.
La notion (ou le concept) peut кtre rendue par des moyens linguistiques diffйrents: par des mots, des groupes de mots. C'est pourtant le mot, par excellence, qui sert de moyen pour exprimer la notion. La facultй d'exprimer des notions ou des concepts est une des caractйristiques fondamentales des mots et de leurs йquivalents.
Donc, le mot et la notion (ou le concept) constituent une unitй dialectique. Pourtant unitй ne veut pas dire identitй. De mкme qu'il n'y a pas d'йquivalence, voire, de symйtrie, entre la pensйe et la langue, il n'y a point d'identitй entre le mot et la notion. Un mot, prйcisйment son enveloppe matйrielle, peut кtre liй а plusieurs notions et, inversement, la mкme notion est parfois rendue par des mots diffйrents.
Il est nйcessaire de faire la distinction entre les notions de la vie courante, ou les notions coutumiиres, et les concepts а valeur scientifique. Ainsi, le mкme mot riviиre exprime tout aussi bien une notion coutumiиre qu'un concept scientifique. Le concept scientifique reflиte les propriйtйs vйritablement essentielles des objets et des phйnomиnes consciemment dйgagйs dans le but'spйcial de mieux pйnйtrer et comprendre la rйalitй objective.
Les concepts scientifiques sont exprimйs par les nombreux termes appartenant aux diverses terminologies.
La notion coutumiиre reflиte dans notre conscience 1 0 s propriйtйs distinctives essentielles des objets et des phйnomиnes. Les notions coutumiиres n'exigent pas de dйfinitions prйcises et complиtes au mкme titre que les concepts scientifiques qui veulent une extrкme prйcision. Dans son activitй journaliиre l'homme a surtout affaire aux notions coutumiиres qui servaient la pensйe humaine dйjа bien avant l'apparition des sciences. Aujourd'hui comme autrefois la plupart des mots d'un emploi commun expriment dans le langage principalement des notions coutumiиres.
Les notions coutumiиres de mкme que les concepts scientifiques se prйcisent et se perfectionnent grвce au processus universel de la connaissance de la rйalitй objective.
Les notions, les concepts peuvent кtre rйels et irrйels. Ils sont rйels а condition de reflйter les propriйtйs des objets et des phйnomиnes de la rйalitй objective. Tels sont: йlectricitй, atome, oxygиne, hydrogиne; matiиre, rйalitй, jugement, concept; science, mot, morphиme, prйfixe, suffixe; homme, sociйtй, enfant, etc. Les notions et les concepts irrйels sont aussi des gйnйralisations abstraites, mais ils ne reflиtent pas des objets et des phйnomиnes existants; tels sont: ange, diable, paradis, enfer, sorcier, panacйe, pierre philosophale, centaure, etc. Un grand nombre de ces notions a йtй crйй par la religion qui les prйsentait comme des concepts rйels et justes. Les notions et les concepts irrйels ne sont pourtant pas entiиrement dйtachйs de la rйalitй objective. Ils reflиtent des morceaux, des fragments de la rйalitй combinйs arbitrairement grвce а l'imagination. L'homme vйrifie la justesse et l'objectivitй de ses connaissances en se rйglant sur la pratique quotidienne. C'est la pratique quotidienne qui permet de distinguer ce qui est juste de ce qui est faux dans nos perceptions, nos reprйsentations, nos notions et jugements. Elle est la base du processus de la connaissance а son premier et son deuxiиme degrй. La pratique est le critиre suprкme de toute connaissance:
«De l'intuition vivante а la pensйe abstraite, et d'elle nature: elle se situe non plus au niveau lexical, mais au niveau grammatical de la langue. Certains mots-outils traduisent les rapports existant entre les notions et les jugements (tels sont les prйpositions, les conjonctions, les pronoms relatifs, les verbes auxiliaires copules), d'autres prйcisent en les prйsentant sous un aspect particulier les notions rendues par les mots qu'ils accompagnent (ainsi, les articles, les adjectifs possessifs et dйmonstratifs).
Signalons а part les termes modaux qui n'expriment pas de notions, mais l'attitude du sujet parlant envers ee qu'il dit, par exemple: йvidemment, probablement, peut-кtre, n'importe, etc.
Remarquons qu'aux yeux de certains linguistes * tout mot possйderait forcйment la fonction rationnelle. Ainsi, les noms propres de personnes et d'animaux rendraient la notion trиs gйnйrale de l'homme ou de l'animal (Mйdor serait toujours un chien, tandis que Paul, s'associerait rйguliиrement а l'homme). Les interjections ne traduiraient pas les йmotions du locuteur en direct, mais par le truchement des notions correspondantes (Pouah I rendrait l'idйe d'un grand dйgoыt tiens 1 - celle d'une surprise). Cette conception, qui ne manque pas d'intйrкt, fait toutefois violence aux phйnomиnes linguistiques.
Si l'on compare, quant а leur contenu sйmantique, les mots homme et Emile pris isolйment la diffйrence apparaоtra nettement. Le mot homme rendra effectivement la notion gйnйrale de « кtre humain douй d'intelligence et possйdant l'usage de la parole», il n'en sera rien pour Emile qui n'exprimera pas plus la notion d'« homme » que Mlnouche celle du « chat ». Donc, au niveau de la langue-systиme Emile et Minouche sont dйpourvus de la fonction rationnelle. Il en est autrement au niveau de la parole. C'est justement ici que les noms propres de personnes et d'animaux se conduisent а l'йgal des noms communs. En effet, les premiers, aussi bien que les derniers, exprimeront des notions particuliиres. (Cf. Jean viendra - Cet homme viendra)
Donc, les noms propres de personnes et d'animaux possйderont la fonction rationnelle (et, йvidemment, la fonction nominative) au niveau de la parole.
Aussitфt qu'un nom propre acquiert la facultй d'exprimer une notion gйnйrale (cf. un Harpagon, un Tartufe) il sera promu au rang des noms communs et deviendra un mot а fonction rationnelle au niveau de la langue.
Confrontons а prйsent pouah! et dйgoыt. Si dйgoыt rend bien une notion dйterminйe tout en la nommant, pouah 1 traduit en direct un sentiment, une йmotion causйe par un phйnomиne-dй la rйalitй. Tout comme les notions les йmotions reflиtent la rйalitй. Toutefois ces rйverbйrations йmotives se situent а un niveau infйrieur en comparaison de la notion. Donc, les interjections possиdent uniquement la fonction affective aux deux niveaux de la langue. C'est dans le fait que les interjections rendent nos sentiments et non pas des notions-qu'il faut chercher l'explication du caractиre souvent flottant, imprйcis de leur signification.
§ 3. La signification en tant que structure. La linguistique marxiste insiste sur la nйcessitй d'envisager la signification comme un des ingrйdients du mot.
Ceux des linguistes qui voudraient dйpouiller le mot de son contenu sйmantique, l'interprйter comme un phйnomиne purement formel ne tiennent pas compte de la fonction essentielle de la langue - celle de communication. C'est le cas dй certains structuralistes amйricains qui ont exclu la catйgorie de la signification de leurs recherches. Les йtudes purement formelles des phйnomиnes linguistiques prйsentent la langue d'une faзon tronquйe, incomplиte. Ainsi le renoncement а la signification cause de grands inconvйnients. Un linguiste, pour peu qu'il veuille connaоtre la nature des faits qu'il se propose d'йtudier, ne saurait se borner а l'examen du plan « expression » et devra pйnйtrer plus avant le plan « contenu ». Souvenons-nous des paroles de L. Tcherba; il disait que celui qui renonce 'а la catйgorie de la signification en tue ljвme. Plus rйcemment E. Benveniste a trouvй une autre image pour rendre la mкme idйe: « Voici que surgit le problиme qui hante toute la linguistique moderne, le rapport forme: sens que maints linguistes voudraient rйduire а la seule notion de forme, mais sans parvenir а se dйlivrer de son corrйlat, le sens. Que n'a-t-on tentй pour йviter, ignorer, ou expulser le sens? On aura beau faire: cette tкte de mйduse est toujours lа, au centre de la langue, fascinant ceux qui la contemplent ».
La linguistique franзaise n'est jamais allйe jusqu'а exclure de la langue la signification. Toutefois les termes «sens» •et «signification» du mot n'y ont pas reзu de dйfinition prйcise. Certains linguistes les emploient sans commentaire comme si ces notions ne soulevaient aucun doute; d'autres йludent consciemment le problиme. Il est connu que F. de Saussure « pour ne pas s'embrouiller dans toutes les controverses instituйes а ce sujet, avait prйfйrй ne pas faire allusion а la signification ou au sens des mots. Il avait parlй de « signifiй » et de « signifiant »...1
Dans la linguistique soviйtique le problиme n'a pas йtй seulement posй, mais largement йlaborй.
Les linguistes paraissent s'entendre pour attribuer а tout mot une signification soit* lexicale, soit grammaticale. On reconnaоt que les mots sont porteurs de significations grammaticales lorsqu'ils expriment des rapports entre les notions et les jugements ou bien quand ils servent а dйterminer les notions.3
Les linguistes conзoivent diffйremment la signification lexicale du mot.8
Il est йvident que la signification du mot n'est pas l'objet ni le phйnomиne auquel elle s'associe; ce n'est point une substance matйrielle, mais un contenu idйal. Il reste pourtant vrai que sans ces objets et phйnomиnes de la rйalitй les significations des mots n'existeraient pas. Cette thиse est йgalement valable pour les mots exprimant des notions rйelles et irrйelles.
La signification du mot n'est point non plus le lien entre l'enveloppe sonore d'un mot et les objets ou phйnomиnes de la rйalitй, quoique cette opinion soit assez rйpandue. Par lui-mкme ce lien entre l'enveloppe sonore des mots et les objets et phйnomиnes de la rйalitй ne peut expliquer la diversitй des significations.
Les linguistes soviйtiques estiment que la signification est avant tout une entitй idйale qui ne peut s'identifier avec quelque rapport. Il est toutefois indispensable d'en prйciser la nature.
Tout*"en reconnaissant la facultй gйnйralisatrice du mot on oppose parfois la signification а la notion, la premiиre йtant interprйtйe comme catйgorie linguistique et la seconde, comme catйgorie logique. Seuls les termes seraient susceptibles d'exprimer des notions, alors que la majoritй des mots exprimeraient des significations. En effet, la signification des termes se distingue de celle des mots non terminologiques par son caractиre scientifique et universel. Il n'en reste pas moins vrai que tout mot reflиte la rйalitй objective, qu'il soit un terme ou non. C'est pourquoi tout mot en tant que gйnйralisateur se rattache nйcessairement а la notion. On peut dire que la notion rendue par un mot constitue le composant fondamental de sa signification. Il est notoire que les notions (prйcisйment les notions coutumiиres) exprimйes par des mots correspondants appartenant а des langues diffйrentes ne coпncident pas toujours exactement, ce qui se fait infailliblement sentir sur la signification de ces mots.
§ 4. Le sens йtymologique du mot. Les mots motivйs et Immotivйs. Depuis longtemps les linguistes se sont affranchis de l'opinion simpliste qui rйgnait parmi les philosophes grecs antiques selon laquelle le mot, le « nom » appartient а l'objet qu'il dйsigne. Il est йvident qu'il n'y a pas de lien orga^ nique entre le mot, son enveloppe sonore, sa structure phonique et l'objet qu'il dйsigne. Pourtant le mot, son enveloppe sonore, est historiquement dйterminй dans chaque cas concret. Au moment de son apparition le mot ou son йquivalent tend а кtre une caractйristique de la chose qu'il dйsigne. On a appelй vinaigre l'acide fait avec du vin, tire-bouchon - une espиce de vis pour tirer le bouchon d'une bouteille. Un sous-marin est une sorte de navire qui navigue sous l'eau et un serre-tкte - une coiffe ou un ruban qui retient les cheveux. Il en est de mкme pour les vocables existant dйjа dans la langue, mais servant а de nouvelles dйnominations. Par le mot aiguille on a nommй le sommet d'une montagne en pointe aiguл grвce а sa ressemblance а une aiguille а coudre.
L'enveloppe sonore d'un mot n'est pas due au hasard, mкme dans les cas oщ 'elle paraоt l'кtre. La table fut dйnom mйe en latin « tabula » - 'planche' parce qu'autrefois une planche tenait lieu de table. Le mot latin « calculus » - 'caillou' servait а dйsigner le calcul, car, anciennement, on comptait а l'aide de petits cailloux.
La dйnomination d'un objet est basйe sur la mise en йvidence d'une particularitй quelconque de cet objet.
Il est aisй de s'apercevoir d'aprиs ces exemples que le sens йtymologique des mots peut ne plus кtre senti а l'йpoque actuelle.
En liaison avec le sens йtymologique des mots se trouve la question des mots motivйs et immotivйs sans qu'il y ait de parallйlisme absolu entre ces deux phйnomиnes.
Nous assistons souvent а la confusion du sens йtymologique d'un mot et de sa motivation. Toutefois le sens йtymologique appartient а l'histoire du mot, alors que la motivation en reflиte l'aspect а une йpoque donnй.
Tous les mots d'une langue ont forcйment un sens йtymologique, explicite ou implicite, alors que beaucoup d'entre eux ne sont point motivйs. Tels sont chaise, table, main, sieste, fortune, etc. Nous aurons des mots motivйs dans journaliste, couturiиre, alunir, porte-clй, laisser-passer, dont le sens rйel йmane du sens des йlйments composants combinйs d'aprиs un modиle dйterminй. La motivation de ces mots dйcoule de leur structure formelle, et elle est conforme а leur sens йtymologique. Il en est autrement pour vilenie dont la motivation actuelle est en contradiction avec le sens йtymologique puisque ce mot s'associe non plus а vilain, comme а l'origine, mais а vil et veut dire « action vile et basse. »
§ 5. Caractйristique phonйtique des mots en franзais moderne. Nous nous bornerons ici а noter certains traits caractйrisant les mots franзais quant а leur composition phonique et leur accentuation dans la chaоne parlйe.1
Les mots franзais sont caractйrisйs par leur briиvetй. Certains se rйduisent а un seul phonиme. Il s'agit surtout de mots non autonomes (ai, eu, on, est, /', d\ etc), les mots autonomes а un phonиme йtant exclusivement rares (an, eau).