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Курс французского языка 4 том Г. Може; (стр. 6 из 81)

LE MASSIF CENTRAL

Jules Romains est né dans le Velay, J province dominée far le mont Mézenc.
Demeuré toujours fidèle à cet âpre pays, il en exprime admirablement l'étrange
et puissante beauté.

Emmanuel explique à Thérèse l'existence qu'elle mènera en pleine
montagne des Cévennes, quand il l'aura éposée.

THÉRÈSE, après un silence.
Je ne pourrai pas vivre ici.

EMMANUEL

Mais ce n'est pas ici que nous vivrons d'abord.
Notre père Hélier nous donne une maison
Qu'il possède dans la bruyère du Mézenc.
Nous y serons un village, et tout un royaume.

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Thérèse parait attentive. Son visage s'éclaire.

Écoute-moi. C'est une grande maison basse
Qui s'enfonce à demi dans un creux de la lande,
Avec un long toit penchant qui rejoint le sol,
Et un seul arbre qui se répand sur le toit.
Alentour, aussi loin que peut porter la vue,
Tout est désert, tout n'est qu'une onde d'herbe rase
Ou que douée épaisseur de bruyère feutrée1.
Et tant d'espace ne s'étend jusqu'à personne.

Il n'y a pas un signe de possession.
Par endroits, une pierre plantée,

un genêt.

Dès septembre, il vient là-dessus de lents brouillards;
On est seul, comme au fond de son meilleur sommeil,
Et l'on voit tout à coup naître et fuir dans la brume
Un poulain libre qui galope sans nul bruit.
Et c'est la neige, après, qui commence à tomber.
Elle est tendre, au début, elle fond vers midi,
Laissant une rosée à la pointe des herbes.
Mais un beau jour d'octobre elle ne s'en va plus.
L'on cesse de voir l'herbe rase, et la bruyère,
Puis les pierres plantées,

et les genêts aussi.

Un nouveau sol pousse, avec de nouvelles formes,
Comme si une bête avait changé de peau,
Un sol neuf, qui est terre par la dureté,
Et qui est ciel, en même temos, par la lumière.

Peu à peu, la maison s'ensevelit.

On tâche

De garder un chemin libre devant le seuil,
Et la neige fait deux murailles qui grandissent.

Et puis, une nuit, il en tombe
Tellement, que le jour d'après
On renonce à prendre la pelle.

Il faut barricader la porte:
Une barre en haut, une en bas,

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Et deux autres qu'on coince en terre
Pour épauler chaque battant.

THÉRÈSE, moitié souriant, moitié frissonnant.

Et tu veux me mettre en prison
Dans la neige du mont Mézenc?
Mais je mourrais, Emmanuel!

EMMANUEL, venant encore plus près d'elle.

La maison est alors aussi secrète et seule
Que si on se cachait à cent pieds sous le sol.
L'on n'entend plus que la fontaine intérieure
Couler infiniment dans l'auge de granit.

L'âme se plaît entre l'étable et la cuisine.

Il repose2, au plafond, sur des claies toutes noires,

Des jambons, du fromage et du lard pour plus de six mois.

Des bottes de saucissons pendent a la cheminée.

On bute au cellier sur des pommes de terre croulantes;

Deux armoires de chêne abritent mille fruits en rangs;
II se carre au grenier plus d'un sac de belle farine,
Et le foin dans la grange est entassé jusqu'aux chevrons3
Alors la maison s'emplit de la chaleur de l'étable.
L'eau semble tiède aux mains comme la laine des brebis.
Il ne vient un peu de jour que par la haute lucarne
Qui est auprès de l'arbre et que la neige n'atteint pas.
C'est une fente étroite et profonde comme une source.
Le jour qui en descend paraît un plaisir d'homme riche4,
Et on le recueille avec beaucoup de soin dans ses yeux.

Mais le soir une grosse lampe
Bourdonne au-dessus de la table,
Jusqu'à l'heure de s'endormir.

Les lits sont enfoncés dans une muraille de bois;

Ils vont loin, comme des trous d'insectes au cœur d'un vieil arbre.

Le sommeil y est plus enivrant que partout ailleurs,

Plus libre de la terre, plus entré dans l'autre vie;

Très bas, tout près de son visage:
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Le sommeil, Thérèse, le sommeil,
et aussi l'amour*.

JULES ROMAINS. Cromedeyre-le-Vieil, IV, II (1920).
Примечания:

1. Имеется в виду, что на вересковых зарослях вереск образует упругий, плотный
(как войлок) слой. 2. Tour impersonnel. Le vrai sujet est: des jambons, du fromage et du
lard (v. plus bas: il se carre). 3. Стропила крыши сходятся под острым углом в форме
буквы А. 4. То есть удовольствие редкостное и утонченное.

Вопросы:

* Montrez quelle poésie se dégage de ce style aux formes pleines et denses.

LA FOIRE DE BANON

Né à Manosque (Basses-Alpes), JEAN GIONO est le poète moderne de la
Provence, un poète qui prête une âme extriïonlinairemsnt fraîche aux plantes,
aux bêtes, aux gens; et qui, sensible au mystère de l'univers (mais non à Dieu),
passe aisément d'une sorte de mysticisme laïque au réalisme le plus
pittoresque.

Malgré le mauvais an1 le grand marché d'été a rempli la villotte2. Il y
a des hommes et des chars sur toutes les routes, des femmes avec des
paquets, des enfants habillés de dimanche qui serrent dans leurs poings
droits les dix sous pour le beignet3 frit. Ça vient de toutes les pentes des
collines. Il y en a un gros tas qui marche sur la route d'Ongles, tous
ensemble, les charrettes au pas et tout le monde dans la poussière; il y en
a comme des graines sur les sentiers du côté de Laroche, des piétons avec
le sac à l'épaule et la chèvre derrière; il y en a qui font la pause4 sous les
peupliers du chemin de Simiane, juste dessous les murs, dans le son de
toutes les cloches de midi. Il y en a qui sont arrêtés au carrefour du moulin;
ceux de Laroche ont rencontré ceux du Buëch. Ils sont emmêlés comme un
paquet de branches au milieu d'un ruisseau. Ils se sont regardés les uns les
autres d'un regard court qui va des yeux aux sacs de blé. Ils se sont compris
tout de suite.

«Ah! qu'il est mauvais, cet an qu'on est à vivre!»5

«Et que le grain est léger!»—«Et que peu il y en a!»

«Oh! oui!»

Les femmes songent que, là-haut sur la place, il y a des marchands de
toile, de robes et de rubans, et qu'il va falloir passer devant tout ça étalé, et
qu'il va falloir résister. D'ici, on sent déjà la friture des gaufres; on entend

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comme un suintement des orgues, des manèges de chevaux de bois; ça fait
les figures longues6, ces invitations de fête dans un bel air plein de soleil
qui vous reproche le mauvais blé.

Dans le pré qui pend, à l'ombrage des pommiers, des gens de ferme se
sont assis autour de leur déjeuner. D'ordinaire, on va à l'auberge manger «la
daube»7. Aujourd'hui, il faut aller à l'économie8.

Ça n'est pas que l'auberge chôme; oh! non: à la longue table du milieu,
il n'y a plus de place, et déjà on a mis les guéridons sur les côtés, entre les
fenêtres, et les deux filles sont rouges, à croire9 qu'elles ont des tomates
mûres sous leurs cheveux, et elles courent de la cuisine à la salle sans
arrêter, et la sauce brune coule le long de leurs bras (...). Sur la place, les
colporteurs et les bazars ont monté des baraques de toile entre les tilleuls.
.Et c'est répandu à seaux10 sous les tentes; des chapeaux, des pantoufles, des
souliers, des vestes, des gros pantalons de velours, des poupées pour les
enfants, des colliers de corail pour les filles, des casseroles et des «fait-
tout»11 pour les ménagères et des jouets et des pompons pour les tout-
petits, et des sucettes12 pour les goulus du tété13 dont la maman ne peut pas
se débarrasser. Et c'est bien pratique. Il y a des marchands à l'aune14 avec
leur règle de bois un peu plus courte que mesure. «Et je vous ferai bonne
longueur; venez donc!» H y a des bonbanneries, et les marchands de
sucrerie et de friture avec des gamins collés contre, comme des mouches
sur pot à miel; il y a celui qui vend des tisanes d'herbes et des petits livres
où tout le mal du corps est expliqué et guéri, et il y a, près de la bascule à
moutons, un manège de chevaux de bois bariolé et grondeur qui tourne
dans les arbres comme un bourdon.

Et ça fait, dans la chaleur, du bruit et des cris à vous rendre sourds 15
comme si on avait de l'eau dans les oreilles. Chez Agathange, on a laissé les
portes du café ouvertes. Il en coule un ruisseau de fumée et de cris. Il y a là-
dedans des gens qui ont dîné de saucisson et de vin blanc autour des tables de
marbre et qui discutent maintenant en bousculant les verres vides du poing et
de la voix. Agathange n'en peut plus. II est sur ses pieds depuis ce matin. Pas
une minute pour s'asseoir. Toujours en route de la cuisine au café et il faut
passer entre les tables, entre les chaises. Voilà celui-là du fond qui veut du
vermouth maintenant. Val6 falloir descendre à la cave. Il est en bras de
chemise: une belle chemise à fleurs rouges. Il a le beau pantalon et pas de
faux col. Le faux col en celluloïd est tout préparé sur la table de la cuisine à
côté des tasses propres. Il y a aussi les deux boutons de fer et un nœud de
cravate tout fait, bien noir, bien neuf, acheté de frais pour tout à l'heure*.

JEAN GIONO. Regain (1930).

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Примечания:

1. La mauvaise année (an ne se dit pas couramment dans ce sens). 2. Маленький
городок. З. Кусочки мяса или овощей в тесте, жареные во фритюре. 4. Останав-
ливаютсянанекотороевремя. 5. Expression locale: cette année que nous sommes en train
de vivre.
6. Вытянутые, унылые лица. 7. Мясо, тушеное в белом вине с овощами и
пряностями. 8. Приходится экономить. 9. Si bien qu'on croirait — Можно подумать,
будто... 10. В огромных количествах (букв, ведрами). 11. Кастрюля с крышкой для
приготовления любых блюд. 12. Леденцы на палочках. 13. Téter — сосать (материн-
скую грудь или соску). Les goulus du tété — дети, которые никак не отучатся от соски.
14. Локоть — старинная мера длины во Франции (ок. 1м 18 см). 15. См. прим. 7.
Способные оглушить, оглушающие. 16. // va falloir (langue parlée).

Вопросы:

* Il y a bien des éléments dans ce style composite. Montrez la place qu'y tiennent les
tournures populaires. -- '. .

EN LANGUEDOC:
UZÈS ET SES ENVIRONS

Terre brûlée de soleil et infestée de bruyantes cigales: tel était apparu le
Languedoc au jeune Jean Racine, quand son oncle, le chanoine Sconin, l'avait
appelé près de lui à Uzès. Au contraire, la charmante petite cité inspira
à ANDRÉ GIDE, qui y vint tout enfant passer des vacances chez sa grand-mère
paternelle, une immédiate et durable sympathie.

J'aimais passionnément la campagne aux environs d'Uzès, la vallée de la
Fontaine d'Eure et, par-dessus tout, la garrigue1. Les premières années,
Marie, ma bonne, accompagnait mes promenades (...).

En continuant la route qui continue le Sarbonnet, un petit mamelon
calcaire, au sortir de la ville on gagnait les prés verdoyants que baigne la
Fontaine d'Eure. Les plus mouillés d'entre eux s'émaillaient au printemps
de ces gracieux narcisses blancs dits «du poète», qu'on appelle là-bas des
courbadonnes. Aucun Uzétien ne songeait à les cueillir, ni ne se serait
dérangé pour les voir; de sorte que, dans ces prés toujours solitaires, il y en
avait une extraordinaire profusion; l'air en était embaumé loin à la ronde;
certains penchaient leur face au-dessus de l'eau, comme dans la fable que
l'on m'avait apprise, et je ne voulais pas les cueillir; d'autres disparaissaient
à demi dans l'herbe épaisse; mais le plus souvent, haut dressé sur sa tige,
parmi le sombre gazon, chacun brillait comme une étoile. Marie, en bonne
Suissesse, aimait les fleurs; nous en rapportions des brassées.

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La Fontaine d'Eure est cette constante rivière que les Romains avaient
captée et amenée jusqu'à Nîmes par l'aqueduc fameux du Pont du Gard. La
vallée où elle coule, à demi cachée par des aulnes, en approchant d'Uzès,
s'étrécit. Оpetite ville d'Uzès! Tu serais en Ombrie3 des touristes
accourraient de Paris pour te voir! Sise au bord d'une roche dont le
dévalement brusque est occupé en partie parles ombreux jardins du duché,
leurs grands arbres, tout en bas, abritent dans le lacis de leurs racines les
écrevisses de la rivière. Des terrasses de la Promenade ou du Jardin public,
le regard, à travers les hauts micocouliers4 du duché, rejoint, de l'autre côté
de l'étroite vallée, une roche plus abrupte encore, déchiquetée, creusée de
grottes, avec des arcs, des aiguilles et des escarpements pareils à ceux des
falaises marines; puis, au-dessus, la garrigue rauque, toute dévastée de
soleil.

Marie, qui se plaignait sans cesse de ses cors" montrait peu d'enthousi-
asme pour les sentiers raboteux de la garrigue; mais bientôt enfin ma mère
me laissa sortir seul et je pus escalader tout mon soûl6.

On traversait la rivière à la F on di Biau (je ne sais si j'écris
correctement ce qui veut dire, dans la langue de Mistral: fontaine aux
bœufs) après avoir suivi quelque temps le bord de la roche, lisse et tout
usée par les pas, puis descendu les degrés taillés dans la roche. Qu'il était
beau de voir les lavandières y poser lentement leurs pieds nus, le soir,
lorsqu'elles remontaient du travail, toutes droites et la démarche comme
ennoblie par cette charge de lin blanc qu'elles portaient, à la manière
antique, sur la tête. Et comme la «Fontaine d'Eure» était le nom de la
rivière, je ne suis pas certain que, de même, ces mots «fon di biau»
désignassent précisément une fontaine: je revois un moulin, une métairie
qu'ombrageaient d'immenses platanes; entre l'eau libre et l'eau qui
travaillait au moulin, une sorte d'îlot, où s'ébattait la basse-cour.
A l'extrême pointe de cet îlot, je venais rêver ou lire, juché sur le tronc d'un
vieux saule et caché par ses branches, surveillant les jeux aventureux des
canards, délicieusement assourdi par le ronflement de la meule, le fracas de
l'eau dans la roue, les mille chuchotis de la rivière, et plus loin, où lavaient
les laveuses, le claquement rythmé de leurs battoirs*.