МГИМО(У) МИД России
Кафедра французского языка № 1
Н.В. ЛОСЕВА
Учебное пособие по французскому языку на материале текстов из романа Г.Шевалье «Клошмерль»
Москва - 2002
Предисловие
Настоящее пособие представляет собой дополнительный материал к основному учебнику французского языка для II курса Ж.А. Казаковой и И.В. Поповой и предназначено для работы в 4-м семестре в группах основного языка и в 5-м семестре в группах второго языка на факультетах МО, МП, МЖ и политологии.
Цель пособия – совершенствование навыков чтения и понимания текста, развитие навыков устной и письменной речи, пополнение лексического запаса и закрепление грамматического материала, изученного в ходе 3-го и 4-го семестров.
Пособие включает в себя 5 текстов, взятых из романа Г. Шевалье «Клошмерль» и связанных между собой сюжетно и тематически. Каждый текст снабжен комментариями, словарем, а также лексическими упражнениями, грамматическими упражнениями, вопросником и творческими заданиями. Работа над пособием направлена на изучение таких лексических тем, как «Политическая борьба в обществе», «Политические партии», «Портрет политического деятеля».
Автор
Texte N1
Clochemerle-en- Beaujolais
A l’ouest de la route nationale N6, qui conduit de Lyon à Paris, s’étend sur une longueur d’environ quarante cinq kilomètres, une région qui partage avec la Bourgogne, le Bordelais, l’Anjou[1] l’honneur de produire les plus fameux vins de France. C’est le Beaujolais[2]. Les noms de Brouilly, Morgon, Fleurie[3] ont rendu célèbre le beaujolais. Mais à côté de ces grands noms, il en existe d’autres, plus modestes. Au premier rang de ces noms que la renommée injuste n’a pas propagés au loin, vient celui de Clochemerle-en-Beaujolais.
En passant, expliquons ce nom de Clochemerle. Au XII-ième siècle ce pays formait une région très boisée. Une abbaye occupait l’emplacement du bourg actuel, ce qui, par parenthèse, nous donne l’assurance que l’endroit a été bien choisi. L’église de l’abbaye était entourée de très grands arbres, et dans ces arbres nichaient des merles. Quand on sonnait la cloche, les merles s’envolaient. Les paysans disaient « la cloche à merles ». Le nom est resté.
On entreprend ici une tâche d’historien, concernant des événements qui firent du bruit en 1923 et dont il fut parfois question dans la presse de l’époque[4].
Un grand projet
Au mois d’octobre 1922, vers cinq heures du soir, sur la grande place de Clochemerle-en-Beaujolais deux hommes se promenaient côte à côte, en échangeant de temps en temps quelques paroles.
L’un de ces hommes, âgé de plus de cinquante ans, était grand, rouge de teint, encore blond. On sentait l’autorité dans sa voix et ses gestes rares. Cet homme se nommait Barthélemy Piéchut, maire de la commune de Clochemerle, dont il était le plus gros propriétaire viticulteur.
Son interlocuteur au contraire était un personnage chétif, sans âge qui portait à l’ancienne mode un lorgnon de fer dénickelé.
Ce second personnage se nommait Ernest Tafardel, instituteur, secrétaire de la mairie et conseiller du maire pour quelques écritures administratives qui exigeaient des formules compliquées.
La vanité d’Ernest Tafardel était de se croire un profond penseur, sorte de philosophe campagnard, ascétique et incompris. Tout ce que disait l’instituteur avait un tour pédagogique et sentencieux.
Au moment où débute cette histoire, Barthélemy Piéchut prononçait ces mots:
- Il faut que nous trouvions quelque chose, Tafardel, qui montre la supériorité d’une municipalité avancée.
- J’en suis bien d’accord, monsieur Piéchut. Mais je vous fais observer qu’il y a déjà le monument aux morts.
- Il en existera bientôt dans chaque commune. Il faut que nous trouvions quelque chose de plus original, qui soit mieux en rapport avec le programme du parti[5]. Ce n’est pas votre avis ?
- Bien sûr, monsieur Piéchut, bien sûr ! On doit faire pénétrer le progrès dans les campagnes. C’est notre grande tâche à nous, hommes de gauche.
Ils se turent quelques moments, puis le maire demanda :
- Avez-vous une idée, Tafardel ?
- Une idée, monsieur Piéchut ? une idée...
- Oui, une idée. En avez-vous une, Tafardel ?
- C’est-à-dire, monsieur Piéchut... Il y a une chose à laquelle j’ai pensé l’autre jour et dont je voulais vous parler. Le cimetière appartient bien à la commune ? C’est en somme un monument public ?
- Certainement, Tafardel.
- Pourquoi, dans ce cas, est-ce l’unique monument public de Clochemerle qui ne porte la devise républicaine : Liberté, Egalité, Fraternité ? Est-ce qu’il n’y a pas là une négligence qui fait le jeu des réactionnaires et du curé ? N’est-ce pas reconnaître que les morts échappent à la juridiction des parties de gauche ? La force des curés, monsieur Piéchut, c’est de s’approprier les morts. Il serait important de montrer que nous avons aussi des droits sur eux.
Il y eut un grave silence, consacré à l’examen de cette
proposition, puis le maire répondit :
- Voulez-vous mon opinion, Tafardel. Les morts sont les morts. Laissons-les donc tranquilles. On ne peut pas empêcher le curé d’entrer au cimetière, n’est-ce pas ? Et d’y aller plus souvent que les autres. Et puis les morts, Tafardel, c’est du passé. Nous devons regarder l’avenir. C’est une idée d’avenir que je vous demande.
- Alors, monsieur Piéchut, j’en reviens à ma proposition d’une bibliothèque municipale.
- Ne perdons pas de temps avec cette affaire de bibliothèque. Je vous l’ai déjà dit : les Clochemerlins ne liront pas vos livres. Le journal leur suffit largement. Croyez-vous que je lise tant, moi ? Trouvons quelque chose qui fasse plus d’effet, qui s’accorde avec une époque de progrès comme la nôtre. Vous ne voyez décidément rien ?
- J’y réfléchirai, monsieur le maire... Serait-il indiscret de vous demander si vous-même...
- Oui, Tafardel, j’ai une idée... Voilà longtemps que je la rumine.
- Ah ! bien, bien ! fit l’instituteur.
Mais il ne posa pas de question parce qu’il n’y a rien de tel pour faire perdre à l’homme de Clochemerle toute envie de parler[6]. Tafardel ne manifesta même aucune curiosité. Il se contenta d’approuver en toute confiance :
- Eh bien, puisque vous avez une idée ce n’est pas la peine de chercher davantage !
Alors Barthélemy Piéchut s’arrêta au milieu de la place en jetant un regard vers la grande rue pour s’assurer qu’il ne venait personne dans leur sens. Enfin il se décida :
- Je vais vous la dire, Tafardel, mon idée. Je veux faire construire un édifice aux frais de la commune.
- Avec l’argent de la commune ? répéta l’instituteur.
- Parfaitement, un édifice. Et qui aura son utilité, aussi bien pour l’hygiène que pour les moeurs... Faites voir si vous êtes malin, Tafardel. Devinez un peu...
Ernest Tafardel exprima par un geste de ses deux bras qu’il n’en avait aucune idée.
- Je veux faire construire une vespasienne, Tafardel.
- Une vespasienne ? s’écria l’instituteur tout saisi, tant le projet lui parut important.
- Oui, qu’en dites-vous ?
Tafardel fit deux ou trois « hum » et dit :
- Pour une idée, monsieur le maire, c’est une idée[7]. Une idée vraiment républicaine. Mesure égalitaire au plus haut point[8], et hygiénique, comme vous disiez si justement. Ce sera une belle victoire démocratique, une nouvelle affirmation des immortels principes. En avez-vous parlé au Comité ?
- Pas encore.
- Je compte un peu sur votre éloquence, Tafardel, pour présenter l'affaire et l'enlevez. Vous savez si bien fermer les bouches aux mécontents.
- Vous pouvez compter sur moi, monsieur le maire.
Et soudain, Tafardel demanda:
-A propos, monsieur le maire, ou allons-nous le placer, notre petit édifice?
Barthélemy Piéchut eut un sourire profond et dit simplement, en se dirigeant vers la grande rue.
- Allons voir l'endroit, Tafardel.
Devant l'église, Barthélemy Piéchut s'arrêta doucement et d'un simple coup de tête, sans le montrer du doigt, il désigna l'emplacement.
- C'est là qu'on le mettra, dit-il.
- Là? demanda tout bas Tafardel avec étonnement. La vespasienne?
- Et où pourrait-elle être mieux?
- Nulle part, c'est vrai, monsieur Piéchut. Mais si près de l'église... Ne croyez-vous pas que le curé...
- C'est vous, Tafardel, qui avez peur de curé, maintenant?
- Oh, peur, monsieur Piéchut... Oh-oh ! Je faisais une simple remarque, parce qu'il faut se méfier de ces gens-là. Toujours prêts à se mettre en travers du progrès...
- Enfin, Tafardel, voyez-vous un meilleur endroit?
Indiquez-le-moi.
- De meilleur, il n'y en a pas, c'est bien certain !
- Alors ! Est-ce que le bien-être général ne doit passer avant toute autre chose? [9] Qu'en dites-vous, Tafardel? Vous qui êtes un homme juste et instruit.
Avec ces petites flatteries, on obtenait de l'instituteur un dévouement sans bornes et Piéchut le savait.
- Monsieur le maire, dit gravement Tafardel, c'est moi qui défendrais le projet devant le Comité, si vous le voulez bien.
Depuis quelques années, l’instituteur attendait vainement les palmes académiques qui lui auraient donné à Clochermerle un grand prestige. Le maire aurait pu faire décerner à l'instituteur la décoration qu’il désirait tant. Mais il ne se pressait pas, voulant que son secrétaire lui rendît un dernier et important service, à propos de la vespasienne.
- Ça vous ferait tant plaisir d'en parler au comité? - dit-il.
- Ce serait de votre part une marque de confiance, monsieur le maire, si vous vouliez bien m'en charger. Il s'agit de la réputation du parti. Je saurai le leur dire.
- Vous vous sentez vraiment capable d'enlever l'affaire? Ce sera dur. Enfin puisque vous le voulez...
Le maire saisit l'instituteur par le revers de sa veste à l'endroit de la boutonnière :
- Attention, Tafardel, la victoire sera double. Cette fois vous les aurez...
- Oh, monsieur le maire, répondit l'instituteur rouge de bonheur, ce n'est pas pour cela, croyez bien...
- Vous les aurez. J’y tiens. J’en donne ma parole,
monsieur le professeur.
- Monsieur le maire, je vous donne la mienne que l’im-
possible sera fait...
L'instituteur mit sa main dans celle du maire. Mais il dut la retirer précipitamment pour essuyer son lorgnon qu'obscurcissait l'émotion.
- Et maintenant, dit Barthélemy Piéchut, allons boire le vin nouveau chez Torbayon.
renommée (f) – известность, слава, популярность
renommé - известный
être renommé pour qch – славиться чем-либо
abbaye (f) – аббатство
entreprendre qch – предпринимать что-либо
concerner qch – относиться к чему-либо, касаться чего-
либо
en ce qui concerne qch – что касается
faire du bruit – наделать шума
propriétaire (m) – хозяин, собственник
propriété (f) – собственность
propriété privée – частная собственность
viticulteur (m) – виноградарь
conseiller (m) – советник
municipalité (f) – муниципалитет
faire le jeu de qn – играть на руку кому-либо
s’accorder avec qch – сочетаться, соответствовать чему-
либо
être en rapport avec qch – соответствовать, вступать в
контакт с чем-либо
sens (m) – направление
Sens unique ! – Одностороннее движение.
à contresens – наоборот, в противоположном
направлении
aux frais de – на средства
moeurs (f,pl) – нравы
vespasienne (f) – общественный туалет
décerner qch à qn – присудить, наградить
décoration (f) – награда
enlever l’affaire – успешно провести дело
revers (m) de la veste – отворот пиджака
boutonnière (f) – петлица
1. Левые – правые
Un parti de gauche (de droite) – левая (правая) партия
Un homme politique de gauche (de droite) –
политический деятель левого (правого) толка
La gauche – левые (силы)
La droite – правые (силы)
2. Autorité – prestige
autorité (f) – власть, властность, влияние
autorités (f, pl) – власти, органы власти, администрация
prestige (m) – авторитет (престиж)
3. Place – emplacement – endroit
place (f) – 1) площадь Les deux hommes se dirigèrent
vers la place de l’église.
2) место Il n’y a plus de place libre dans la salle.