Parmi les mots autonomes, il y en a de simples qui sont formés d'une seule racine. Tels sont: homme, monde, terre, ciel, arbre, table, porte, chambre, etc. Ces mots pourraient être aussi appelés « mots-racines ». Plus souvent les mots contiennent une ou plusieurs racines auxquelles se joignent des affixes (les préfixes placés avant et les suffixes placés après la racine) et les terminaisons (ou désinences). On dis - lingue encore le thème (ou le radical), c'est-à-dire la partie du mot recelant le sens lexical et précédant la terminaison. Ainsi, dans l'exemple: Nous démentons les calomnies des fauteurs de guerre, le mot démentons comprend la racine - ment-, le préfixe dé-, le thème dément-, la terminaison - ons. La racine recèle le sens lexical fondamental du mot. Le thème qui comporte tout le sens lexical du mot s'oppose à la désinence qui est porteur d'un sens grammatical.
Dans le français moderne le thème apparaît exclusive-, ment dans la conjugaison des verbes qui ont conservé jusqu'à présent des traits de l'ancien synthétisme, tandis que dans les nominaux, depuis la destruction, du système de déclinaison, le thème ne se laisse plus dégager, il coïncide avec le mot. Les finales des substantifs et des adjectifs telles que animal - animaux, paysan - paysanne; blanc - blanche, fin - fine ne sont plus des désinences mais de simples alternances phoniques à valeur grammaticale.
Dans les travaux des linguistes français le terme « thè me » s'emploie encore pour désigner la partie du mot à la - . quelle s'applique l'un ou l'autre affixe servant à former ce mot. Il serait plus exact de nommer cette partie du mot thème de formation (ou «base formative»), afin de la dis tinguer du « thème » proprement dit qui s'oppose à la dési nence à valeur grammaticale. Ainsi, par exemple, dans ac climatation le thème de formation est présenté par la partie acclimat - à laquelle s'applique le suffixe - ation. Les thèmes de formation peuvent être ou non en corrélation avec des mots indépendants. Ils sont respectivement appelés libres comme dans refaire, laitière, cache-nez (cf. faire, lait, cache, nez) et liés comme dans fracture, bibliothèque (cf. fraction; biblio phile; filmothèque). A l'encôntre du «thème», «le thème de formation » ne, recèle guère, comme règle, tout le sens lexical du mot. '"ff' • '
Les affixes appliqués au thème de formation peuvent tout simplement en modifier le sens. Tels sont les cas de jardinet, maisonnette, refaire. Plus souvent les rapports sémantiques entre le thème de formation et l'affixe sont plus compliqués; dans ces derniers cas, on crée des mots qui se distinguent essentiellement par leur sens du thème de - for-mation. Ainsi le mot Français (m) n'exprime point une espèce de France, mais un habitant de ce pays; une laitière n'est pas une sorte de lait, mais une femme qui vend ce produit.
Donc, les affixes peuvent conférer aux mots qu'ils for tique et ne servent qu'à former les variantes, grammaticales dêsverbes, _ce qui nous autorise à les qualifier de morphèmes. - Il n'est ^ârTois pas moins difficile d'établir'les., limites. entre un mot et un groupe de mots. Parmi les linguistes soviétiques qui ont traité le problème du mot et ses limites, il faut nommer tout d'abord le professeur A.I. Smirnitsky. Il a démontré de façon probante que le mot est caractérisé par une intégrité sémantique et formelle. Toutefois, l'intégrité sémantique qui se traduit par la faculté d'exprimer une notion, un concept, caractérise non seulement les mots, mais aussi bien les groupes de mots. Il en est autrement pour l'intégrité formelle qui appartient en propre aux mots et sert, par conséquent, de véritable critère distinctif. '
_ Pour la plupart, les mots se laissent aisément distinguer des groupes de mots; tel est le cas des mots simples ou mots-racines et des mots dérivés formés par l'adjonction d'af-fixes. La distinction des mots composés, qui par leur structure se rapprochent le plus des groupes de mots, présente de sérieuses difficultés. Celles-ci sont surtout grandes dans la langue française où les mots cb'mposés sont souvent formés d'anciens, groupes de mots.
En appliquant à la langue française le critère avancé par le professeur A.I. Smirnitsky, on devra reconnaître que les formations du type fer à repasser, chemin de fer% pomme de terre sont, contrairement à l'opinion de la plupart des linguistes français, des groupes de mots, tandis que bonhomme^ basse-cour, gratte-ciel sont des mots.
Donc,, il faut faire la distinction entre un mot et un morphème, d'un côté, un mot et un groupe de mots, de l'autre 1 II reste fort à faire pour fixer les limites du mot; c'est un problème ardu qui exige un examen spécial pour chaque langue.
§ 7. L'identité du mot. Envisagé sous ses aspects phonétique, grammatical et sémantique le mot présente un phénomène complexe. Pourtant dans l'énoncé, dans chaque cas concret de son emploi, le mot apparaît non pas dans toute la complexité de sa structure, mais dans une de ses multiples formes, autrement dit, dans une de ses variantes.
Comment savoir si nous avons affaire à des mots distincts ou aux variantes d'un seul et même mot? De même que pour les mots différents les variantes admettent des distinctions d'ordre matériel (l'enveloppe sonore) et d'ordre idéal (le sens). Toutefois ces distinctions matérielles et idéales ne sont possibles que dans une certaine mesure, dans un cadre déterminé. Pour les variantes ces distinctions ne seront que partielles et ne détruiront jamais l'intégrité du mot.
Quelles sont donc les variantes possibles d'un mot?
Ce sont:
-les variantes de prononciation: [mitinl et [miteg] pour meeting, iby] et [byt] pour but, [u] et [ut] pour août, [mœ: r] et [moers] pour mœurs, [egzal et [egzakt] pour exact, [k5ta] et [kôtakt] pour contact; - les variantes grammaticales:
dors, dormons, dormez; - les variantes pseudo-formatiyes (lexico-grammaticales): maigrichon et maigriot, maraude et maraudage; - les variantes lexico-sémantiques:
notionnelles: palette - « plaque sur laquelle les pein tres étalent leurs couleurs » et « coloris d'un peintre »;
notionnelles-affectives: massif - « épais, pesant », au figuré esprit massif - « grossier, lourd »; moisir - « cou vrir d'une mousse blanche ou verdâtre qui marque un commen cement de corruption », au figuré moisir quelque part - « de meurer inutile, improductif »;
-les variantes stylistico-fonctionnelles:
à support phonique: oui - littéraire et ouais - po pulaire, aristocrate - littéraire et aristo - familier;
à support notionnel-affectif: marmite - «récipient»
littéraire et « gros obus» - familier;
les variantes orthographiques: gaîment et gaiement, soûl et - saoul.
Il est à noter,que les modulations grammaticales et stylistico-fonctionnelles n'attaquent jamais l'intégrité du mot. Dans j'ai dormi et je dormirai nous avons le même verbe dormir malgré l'opposition des temps.
Il en est autrement pour les modulations phoniques et notionnelles. Des distinctions phoniques ou notionnelles radicales amèneraient à l'apparition de mots différents. En effet, malgré l'identité de leur aspect phonique calcul - « opération arithmétique » et calcul - « concrétions pierreuses » sont deux mots du fait que les notions qu'ils expriment n'ont rien de commun. Les termes thème et radical à sonorité différente sont des mots distincts malgré l'identité de leur valeur sémantique. Pour qu'il y ait variantes d'un même mot il ne doit pas y avoir d'interdépendance
entre les modulations dans leur enveloppe sonore et leur valeur notionnelle, mais il suffit d'avoir en commun quelque trait fondamental quant à l'aspect phonique et la valeur notionnelle. Pour l'aspect phonique cette communauté se traduit par la présence dans les variantes de la même racine qui constitue la base de la structure matérielle du mot. La communauté notionnelle consiste dans le lien qui s'établit entre les divers sens du "mot.