Le Président de la République lui-même visite le camp et est frappe par l'excellent aspect de la brigade et décore le Général Lokhvitzky de l'ordre de Commandeur de la Légion d'Honneur. À la fin du mois de juin 1916, la 1ère brigade est envoyée dans le secteur occupé par le Groupement Ouest de la 4ème Armée, a l'Est entre Suippes et Auberive.
En 1917, la conduite au feu des deux brigades est appreciée par les Alliés. En mars 1917 elles sont dans la region du Fort de la Pompelle. Lors de l'attaque "Nivelle" du 16 avril 1917, dans le cadre de la 5eme Armée, la 1ère Brigade Spéciale prend Courcy, le 3ème Brigade attaque et occupe le mont Spin. Les pertes pour les 2 brigades russes sont de 70 Officiers et 4 472 Soldats tués, blessés ou disparus.
Formation de la Légion Russe d’Honneur
Par suite de la Révolution Russe, la Russie quitte les rangs des Alliés et les Régiments russes du Corps Expéditionnaire sont relevés du front par le Gouvernement français, reformés et transformés en compagnies de travailleurs. Le nom même de "Russe" est devenu synonyme de "traître".
Cette situation devenant insupportable, des centaines de militaires russes sous l'impulsion du Colonel Gotoua, profondement blesses dans leur orgueil national, s'organisent et demandent au Gouvernement français l'autorisation de regagner le front. Après de multiples hésitations et de pourparlers, l'autorisation est accordée pour la création de la Légion Russe.
Le 23 décembre1917, cette unité, sous le commandement du Colonel Gotoua monte en ligne, versée dans la Division Marocaine considerée a l'epoque comme la meilleure unité française. La rénommée et l'héroisme du soldat russe atteignit des sommets inégales au sein de cette unité.
Fin mars 1918, les Allemands percent le front des Alliés du côte d'Amiens entre l'armée française et les troupes anglaises et s'engouffrent dans la bréche ainsi créée. La situation devenant critique, le Haut Commandement Français donne ordre à la division marocaine de contre-attaquer. La Légion Russe est placée en tête de troupes de la contre-attaque.
Le Général Dauzan, Commandant de la Division Marocaine, decora le Capitaine Loupanoff de la Légion d'Honneur et le bataillon reçut un "état de recompense". Les pertes sont sévères.
Mai 1918. Les Allemands jettent dans la bataille leurs meilleures troupes et enfoncent les lignes françaises. D'un bond, ils passent l'Aisne et, en marche forcée, approchent de Chateau-Thierry. Soissons est tombée, la route sur Paris est ouverte! Rappelée de toute urgence, la Division Marocaine occupe la position à cheval sur la route de Soissons-Paris et reçoit, la première, le coup de boutoir allemand. Les zouaves retiennent la pression ennemie mais, au bout d'un moment, commencent a céder dans leur centre. À l'instant où tout semblait perdu, le Commandement jette en attaque sa dernière réserve, la Légion Russe.
Son attaque est décrite de la façon suivante par l 'historién de la Division Marocaine:
"Pour arrêter cette avance menaçante, le Colonel Lagarde donne ordre a la Légion Russe de contre-attaquer. La Légion Russe se lance en avant, officiers en tete. Même les medecins, pris par l'enthousiasme de cette glorieuse phalange, ont oublié leur mission principale de charité et, avec les combattants, pénètrent dans les rangs de l'ennemi. Sur 150 combattants, 110 sont restés sur la côte de Vauxbuin. Cette bataille coûte aux Russes 85 % de leurs effectifs et presque tous les officiers"
La presse française de l'époque en admiration devant l'héroisme russe souligne le grand nombre de Croix de la Légion d'Honneur et de Croix de Guerre décerné aux combattants russes et emploie pour la première fois le terme honorifique, reste depuis attache à cette unité en la dénommant la "Légion d'Honneur".
En août, la Légion Russe reçoit enfin pour la première fois des renforts importants composés de volontaires d'anciens régiments du Corps Expéditionnaire, devient un bataillon avec 2 compagnies et demie de tirailleurs et une compagnie de mitrailleurs et rentre comme unité indépendante dans la Première Brigade de la Division Marocaine.
Ce bataillon est aussitôt dirigé au nord de l'Aisne où i1 s'empare de Térny-Sorny et progresse vers Laffaux, un des points avancés de la ligne Hindenburg.
Au cours des combats du 12 séptembre, le bataillon franchit 3 rangées de fortifications en béton armé et perce la ligne de défense allemande, prend par surprise un grand nombre de prisonniers et une grande quantite de matériel.
Pour toutes ces operations, le Maréchal Foch, Commandant en Chef des Armées, octroie au Bataillon Russe la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre et une Croix de Guerre avec 2 palmes à son drapeau, avec les citations.
La rénommée acquise par la Légion Russe d'Honneur attire dans ses rangs de nombreux volontaires provenant des compagnies d'ouvriers ou même de la Légion Etrangère. Malgré ès pertes, ses effectifs augmentent: au 1er novembre 1918, le bataillon compte 564 hommes répartis en 3 compagnies de combat et une compagnie de mitrailleuses.
Des le 1er octobre, les Allemands étaient amenes à evacuer toute la ligne Hindenburg et à se retirer vers la frontière. Dans ces conditions, la Division Marocaine toute entière est transportée a Nancy et entreprend le mouvement final le long de la Moselle vers Moyeuvre et seul l'Armistice du 11 novembre arrète cette operation.
Malgré cela, la Légion Russe d'Honneur continue d'éxister et participe avec les Armées Alliées a l'avance le long de la rive gauche du Rhin; elle traverse la Lorraine, l'Alsace, la Sarre, arrive a Friedrickshafen, puis est dirigée sur Worms qu'elle occupe jusqu'en décembre.
À la fin de l'année 1918, la Légion Russe d'Honneur est évacuée a l'intérieur de la France et démobilisée.
L'ÉVACUATION DE l’armÉe blanche de LA CRIMÉE
L'histoire de l’émigration blanche commence par une tragédie: l'évacuation de la Crimée en novembre 1920 par l'armée du général Wrangel.
L'année 1920 voit briller les derniers feux de la guerre civile en Russie du sud. À la fin du mois de mars, vaincu par l'armée rouge, le général Dénikine a dû faire évacuer de Novorossiysk, dans une panique indescriptible, les débris de ses armées blanches. Réfugiées en Crimée, ces troupes démoralisées semblent promises à une défaite rapide. Dénikine, découragé, remet ses pouvoirs à son rival et ennemi personnel, le général Baron Wrangel.
Pendant plus de 6 mois, Wrangel donne l'illusion que les armées blanches pourraient retourner la situation en Russie et chasser les bolcheviks du pouvoir. Mais le 12 octobre 1920, la nouvelle de l'armistice soviéto-polonais annonce que les jours de l'armée Wrangel sont comptés. Les troupes qui luttaient contre la Pologne sont envoyées sur le front de Crimée pour donner le coup de grâce. Le 8 novembre, apprenant la chute des premières lignes de défense, Wrangel donne l'ordre d'évacuation.
Tous les navires présents dans les ports de Crimée sont réquisitionnés, dont le vieux paquebot "Rion". Les bateaux russes sont mis sous la protection de la France et hissent le drapeau tricolore. L'escadre française de Méditerranée Orientale supervise les opérations. Tout se passe dans l'ordre. Quasiment tous ceux qui le désirent peuvent être évacués. En une semaine, 130 navires arrivent à Constantinople, avec 146.200 réfugiés à bord, dont 29.000 civils, souvent dans un entassement ahurissant. L'état sanitaire est catastrophique: les Russes sont décimés par le typhus, il y a même des cas de choléra et de peste. Les autorités françaises de Constantinople sont dépassées: que faire de cette masse énorme de réfugiés, armés jusqu'au dents et équipés d'une flotte de guerre complète? Les laisser débarquer à Constantinople est inconcevable; cette ville, sous occupation alliée, est déjà surpeuplée de réfugiés, car la Turquie est en pleine guerre: le rebelle Mustapha Kémal contrôle pratiquement toute l'Anatolie où il se heurte à l'armée grecque. La perspective de voir cette armée russe désœuvrée prendre part au conflit donne des cauchemars aux Alliés.
Il faut donc éloigner le plus vite possible les Russes de cette poudrière. La flotte de guerre est envoyée à Bizerte, et Georges Leygues lance un appel aux États balkaniques pour qu'ils accueillent les troupes et les réfugiés civils. Le résultat est décevant: la Roumanie n'en accepte que 2000, la Grèce 1700, la Bulgarie 3800; seule la Serbie, fidèlement russophile, ouvre grand ses portes et en recueille 22.300. Au total, 34.000 personnes ont été évacuées le 1er janvier 1921. Reste donc plus de 100.000 réfugiés à loger et nourrir. En attendant une destination définitive, les Cosaques du Don ont été envoyés en Thrace à Tchataldja, ceux du Kouban sur l'île de Lemnos, et les troupes régulières sur la presqu'île de Gallipoli, dans le détroit des Dardanelles. Les civils, jugés moins dangereux, ont été répartis dans plusieurs camps autour de Constantinople.
Pour le gouvernement français, il est évident que l'armée Wrangel a cessé d'exister, et que ces milliers de réfugiés ne sont que des individualités. Mais les autorités militaires et navales sont effarées par cette façon de voir les choses: Si on licencie l'armée Wrangel sans aucune perspective d'emploi, la situation à Constantinople risque de tourner rapidement au cauchemar. Il faut absolument que la discipline militaire soit maintenue, et les troupes laissées sous les ordres des officiers russes, afin d'éviter de les voir se transformer en mercenaires ou en "grandes compagnies". Il sera alors plus facile de disperser en douceur les réfugiés vers les pays qui voudront bien d'eux. À contrecœur, le gouvernement doit se rallier à ces arguments.
Wrangel, fin tacticien, s'engouffre par cette porte laissée entrouverte. Il profite de l'autorité que lui laissent les Français pour s'opposer par tous les moyens à la dispersion de son armée: propagande, pression psychologique, menaces, tout est bon pour garder un noyau irréductible d'Armée Blanche; car Wrangel caresse toujours le rêve de reprendre la lutte contre les Soviets, ou de s'emparer du pouvoir si celui des bolcheviks s'effondre tout seul. Ainsi, le séjour de l'Armée Russe à Constantinople est marqué par un bras de fer permanent entre Wrangel et les Français, qui cherchent constamment à se débarrasser de réfugiés qui coûtent une fortune au budget de la France.
Très vite, les autorités constatent que beaucoup de réfugiés ont le mal du pays. Elles voient là une belle occasion d'en diminuer le nombre; le gouvernement fait donc savoir dans les camps que personne n'est retenu, et que la France assurera le rapatriement en Russie soviétique de ceux qui en feront la demande, toutefois sans aucune garantie sur leur sécurité une fois débarqués. Malgré cette réserve de taille, les volontaires se bousculent: de janvier à avril 1921, 9370 réfugiés retournent en Russie. À cela viennent s'ajouter les départs individuels de réfugiés ayant les moyens de vivre à leurs frais, de ceux qui ont trouvé du travail à Constantinople ou qui se sont engagés dans la Légion Étrangère.
Malgré cela, il reste encore en avril 1921 55.000 Russes nourris par la France dans les camps de réfugiés. Si l'on comptait sur les départs individuels, il faudrait des années pour disperser l'armée Wrangel. Trouver des débouchés de masse pour les réfugiés russes reste un impératif urgent.
Afrikan Bogaévski (1872 - 1934 Paris), général-lieutenant, décoré de la croix de Saint-Georges pour son courage lors de la bataille de Tamopol en juillet 1917. Commande un régiment de partisans, puis une brigade de l'Armée Blanche lors de la "campagne de glace" au Kouban en février-mai 1918. Élu ataman des cosaques du Don en février 1919. L'ancien ataman, le général Krasnov, qui assista à ses obsèques, se battit plus tard aux côtés de l'armée allemande au cours de la 2è guerre mondiale et, livré à l'URSS, fut exécuté pour trahison.
Boris Dourov (1879 Saint-Pétersbourg - 1977 Sainte-Geneviève-des-Bois). Lieutenant-colonel dans le corps expéditionnaire russe en France, puis en Macédoine, il est l'un des fondateurs du Lycée russe de Paris en 1920 où il professe les mathématiques et dont il devient le directeur de 1931 jusqu'à sa fermeture en 1961
Mikhaïl Grabbe (1868-1942), comte, général, ataman du Don en 1916-1917.
Nicolas Lokhvitski (1868 - 1933 Paris), général d'infanterie commandant en chef du corps expéditionnaire russe sur le front français en 1916. Après la paix, il rejoignit l'armée de l'amiral Koltchak en Extrême-Orient et revint s'installer à Paris en 1923.
Zinovi Péchkov (1884 Nijni-Novgorod - 1966 Paris), général dans l'armée française. Frère aîné du bolchevik Iakov Sverdlov, son nom lui a été donné par son parrain, l'écrivain Maxime Gorki. S'engage dans la Légion étrangère en 1914. Perd un bras en 1915. Chargé de mission auprès de Koltchak, puis de Dénikine. Naturalisé Français en 1923, sert au Maroc comme officier de la Légion. De 1942 à 1950 représente la France libre en Afrique du Sud, puis en Chine et au Japon.
Causes de la dÉfaite des Blancs
Corruption des cadres: négligence, paresse, goût de la dolce vita. En Sibérie, à l'arrivée de Koltchak, il y avait 196 états-majors sans troupes. De nombreux régiments blancs comptaient 2 ou 3 officiers pour 1 seul homme. Une grande partie du matériel fourni par les Alliés était revendue au marché noir et, en fin de compte, rachetée par les Rouges.
Trahison des Tchèques de Sibérie: anciens prisonniers de guerre autrichiens, réarmés contre l'Autriche, ils avaient rejoint Koltchak après la paix de Brest-Litovsk, les Allemands ayant exigé qu'ils leur soient livrés. Pris en main par une mission militaire française (Gal Janin, qui cependant ne leur donna pas l'ordre de délivrer Koltchak encerclé), ils devaient être le noyau de la reconquête de la Russie d'Europe à partir de l'Oural. Mais le gouvernement tchèque (Bénès) leur interdit d'agir contre les Rouges. Ils s'organisent donc en "grandes compagnies", occupant la ligne du Transsibérien et accaparant le matériel ferroviaire (qui transporte leur butin). Ils se replient lentement (en 4 ans) vers Vladivostok, négociant leur retraite avec les Rouges: ils arrêtent Koltchak à Irkoutsk et le livrent aux bolcheviks.